La vocation de cette newsletter est de partager le point de vue du guide sur certains sujets liés à la montagne et de partager certains récits d’aventure en texte et en images.
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Non sans blague, je pratique des activités où le vide est présent ?
On va dire qu’il existe différents degrés dans la catégorie Vertigineux alors 🙂
Et dans mon cas, à ce début et à cette fin d’été, je me suis essayé à aller chercher ma catégorie Vertigineux classe 4 (sur une échelle de 4 mais les catégories de l’échelle diffèrent suivant les personnages).
Je termine la saison de ski en Juin en allant skier l’arête de Peuterey avec 3 copains. Alors c’est quoi cette “arête” ? C’est la pente qui part tout près du sommet du Mont Blanc de Courmayeur et qui constitue la sortie de la fameuse Intégrale de Peuterey. Un itinéraire raide, difficile à trouver en conditions. Bref, c’est pas tous les 4 matins que l’occasion se présente et qu’une équipe se monte, et cette année, ce fut la bonne !
Et cet automne, alors que la saison se termine, je remets le couvert mais cette fois-ci avec une voie d’artif dans le Verdon avec 2 compères (“le voyage de la Mandarine”, 350m, ED A3 6b).
C’est quoi une voie d’Artif ? Contrairement à l’escalade “en libre”, l’artif consiste à évoluer verticalement à l’aide de points de progression (pitons, coinceurs, friends, coins de bois…) : on met un piton, on se hisse dessus, on en plante un autre et rebelote. Ca prend des plombes ! Comptez minimum 2h pour faire 30m, voir parfois 6h. Vous commencez à comprendre donc que pour faire 350m de falaise, ça prend du temps. Dans notre cas, on aura passé 3 jours et demi avec 2 nuits dans la paroi (mais on dormait sur des vires salvatrices). Un voyage vertical, plein gaz !
Forcément, en lisant ces lignes, votre cerveau se demande pourquoi cet animal cherche à faire ces conneries exposées ?
Un copain me disait simplement : quelle idée de faire des trucs pareils ?
Je ne vais pas réussir à expliquer toutes les motivations qui nous poussent à faire ça, elles sont trop nombreuses. La littérature montagnarde regorge de livres sur le sujet et il devrait y avoir encore d’autres parutions.
Si le sujet vous intéresse vraiment, je ne saurai néanmoins vous conseiller les ouvrages de David LeBreton (Conduites à Risque, Passions du Risque).
Je n’évoquerai donc que quelques sensations, où pour le coup, je suis sûr de ce que j’ai ressenti !
Pour la voie d’artif, pour être honnête, ça fait bien 2 ou 3 automnes que je me dis d’aller faire ça mais je n’ai jamais eu le courage (la peur peut être, RIP Michel Blanc) de me lancer. Mais cette année, avec toutes les réflexions que je mène, une des pistes était celles d’aller vivre ce dont j’avais envie. Je suis passé à l’acte (enfin!). Il aura juste fallu trouver les larrons pour y aller car ce genre de projet ne motive plus mon entourage. Les aspirants guide sont les parfaits sujets car ils doivent justement faire une voie d’artif dans le cadre de leur formation. Ce sont donc généralement les seuls à être motivés par un projet comme ça !
Je dois vous avouer que la veille, voir l’avant veille, je ne dormais pas sereinement. Et une fois dedans, j’avais souvent le trac. Ce n’est pas inné d’être suspendu au-dessus du vide, relié à la vie par des bouts de ficelle. Du coup, quand la peur était en embuscade, je me raisonnais à ne pas regarder vers le bas, ou plutôt me concentrer juste sur ce que je faisais. Au fur et à mesure, on progresse dans la voie, on finit par monter mètre après mètre. On est plus à l’aise dans les manips, on prend confiance. On commence à maitriser ce qu’on fait techniquement et du coup, on maitrise ce qu’on fait mentalement. La progression est lente, on passe 4h assis sur une planchette en bois et moi qui suis plutôt peu patient, et bah là, j’apprends à prendre le temps. L’équipe est aussi un facteur clé avec une mention spéciale pour l’artif : la logistique. Si vous vous y prenez mal, ça peut prendre beaucoup de temps. Et vous êtes limités en temps d’une certaine manière car vous êtes limités en vivres (car il faut monter son eau, en l’occurence 30l d’eau pour les 3,5 jours). Et une mauvaise logistique est souvent liée à une mauvaise coordination. D’où le rôle de l’équipe. Accessoirement, une fois passé 4h dans une longueur, t’es bien content de laisser la suite à ton compagnon de cordée !
Et quand advient le bivouac ou mieux, le sommet (à la nuit tombée dans notre cas), putain on l’a fait ! Une sensation d’accomplissement quasi totale (physique et mentale). Toutes les petites choses de la vie deviennent géniales : manger une pizza sur un parking, marcher en tong, prendre une douche. On prend plaisir à tout.
Pour la descente à ski, l’idée était ancienne aussi. A l’instar de la voie d’artif, le dodo n’était pas complètement salvateur la veille ou l’avant veille du départ. Je partais avec une équipe qui (heureusement évidemment) avait le niveau à la fois physique et technique. Voir j’avais un peu peur d’être à la traîne à la montée et à la descente. Mais qu’importe, je voulais y aller, avec parfois la peur au ventre mais en cherchant à me recentrer sur l’instant présent. A l’inverse de l’artif, en ski, on peut faire demi-tour et redescendre (en crampons). Si les conditions n’étaient pas bonnes, on aurait pu skier un itinéraire plus simple du Mont Blanc.
L’engagement était donc plus limité. A l’inverse de l’artif par contre, dans le ski de pente raide, il n’y a pas de lien qui nous relie à la paroi (à part les carres du ski). La chute n’est donc pas permise. Les premiers virages sont les plus durs : à quoi s’attendre en qualité de neige à la réception du premier virage, tout bien synchroniser dans le mouvement pour ne pas avoir de comportements parasites déstabilisants. Et puis les premiers virages sont ceux qui sont le plus haut dans la face, donc généralement les plus impressionnants par l’ambiance. Bref, quand on a fait le premier ou le deuxième virage, on se sent plus léger. On commence à savoir alors pourquoi on est là : skier en quasi lévitation. Et puis la vue ! Mettre des virages dans ces pentes inaccessibles. Et pour ma part, une fois qu’on est bien, il faut se remettre un coup pour justement ne pas se sentir euphorique, garder son sang froid, la maitrise. On pourra crier à la fin des difficultés. Et quand elles se terminent, que tout le monde est là, c’est trop bon de faire le check de fin avec les copains. Tu sais que tout le monde a vécu un truc énorme ensemble et aussi chacun de son côté. Ça fait plaisir de partager ça.
Maitrise de soi, concentration, optimisation ultime de notre pratique, dépassement de soi (mentalement et physiquement).
Retour en vidéo sur ces 2 aventures
1min pour résumer 3 jours d’artif
Tracé et images de la descente de Peuterey à ski
Le saviez-vous ?
Considérons nous comme un homo sapiens assis dans une clairière. Tout d’un coup, nous entendons un buisson bouger. 2 possibilités s’offrent à nous :
1- c’est le vent qui a fait bouger le buisson
2- c’est une horrible bête sauvage qui est sur le point de nous massacrer
L’option 1 est plus simple à admettre et peut être la plus raisonnable mais que se passerait-il s’il y avait vraiment au final une bête cachée ? Elle se jetterait sur nous et nous tuerait. L’instinct de survie de notre cerveau reptilien préfère alors considérer l’option 2 car cette dernière nous permettra de mieux survivre, ou tout du moins de mieux se préparer à toutes les situations. Nous prenons donc l’option la plus angoissante car cette dernière assurera notre survie.
Personnellement, j’essaie de ne pas imaginer les bêtes sauvages partout 🙂
Fatmap, c’est fini !
Depuis le 1er octobre, l’application Fatmap qui permettait d’avoir des cartes 3D de nos chers terrains de jeux n’existe plus ! Modèle économique pas assez rentable ? Crash des serveurs ? L’application a été racheté par… Strava. Je me disais que ça n’allait pas changer grand chose et que Strava allait proposer les mêmes fonctionnalités. Et bien, pour le moment, aussi incroyable que cela puisse paraître, on est revenu en arrière (je croyais pas que c’était possible). On a bien perdu en fonctionnalité (mais beaucoup perdu).
J’ai passé du temps à tenter de trouver des applications comparables. Le constat est cruel : je n’ai pas trouvé d’applications qui fassent pareil que Fatmap ou aussi facilement ou aussi précis. Mais j’en ai trouvé quand même qui sont pas si mal (avec quelques défauts). Voici mon retour de test.
Pour comparer, j’ai tenté de faire des screenshots du même endroit pour permettre de se rendre compte du degré de précision à chaque fois.
A noter que pour les 3 applications, vous pouvez télécharger les cartes pour les avoir hors ligne.
Whympr, 25€/an
Les + :
– Nombreuses cartes dispo en 2D (dont des cartes italiennes mais qui sont pas dingues non plus)
– Carte avec de nombreuses informations complémentaires (site d’escalade, de canyon…)
– Liens vers les topos (qu’ils soient gratuits comme camptocamp ou payants (possibilité de les acheter via l’appli)
– Carte des pentes (démarre à 30°)
Les – :
– Résolution 3D pas terrible, voir nul. On est loin pour le moment de Fatmap
– Disponible uniquement via application
Relief Maps, 30€/an
Les + :
– Application développée à Annecy
– Carte 2D précises disponibles (TOP 25 et Suisse)
– Modèle 3D plus précis que celui de Whympr
Les – :
– Modèle 3D précis mais pas encore aussi bien que Reality Maps
– Pas de cartes des pentes disponibles
Reality Maps, 39€/an
Les + :
– Très bonnes résolutions des cartes 3D
– Carte des pentes disponibles, qui plus est, démarrant à 20 puis 25° puis 30°…
– Disponible en appli et sur ordinateur
– Possibilité de créer votre itinéraire et de s’inspirer d’itinéraires existants
Les – :
– modèle 2D disponible mais pas de carte TOP 25 par exemple
– Résolution des cartes 3D Hiver pas terrible (mais y’en a aucune qui arrive au niveau de Fatmap à vrai dire)
– il faut charger des zones (massif du Mont Blanc) et pour le moment, toutes les montagnes ne sont pas couvertes (mais l’essentiel est là pour les montagnes régulièrement parcourues)
Et cet hiver ?
Evidemment, je répondrai présent pour satisfaire au mieux les rêves des personnes qui me contactent : je considère clairement que le guide a ce rôle d’écouter les aspirations et de les transformer en projet réaliste. Dans mon cas, je me rajoute à chaque fois la volonté d’aller dans des endroits que je connais pas ou pas très bien, pour avoir autant de surprises que mes clients.
Mais au-delà de répondre à vos aspirations, je vous propose cette année de vous faire part des miennes.
J’aime m’éloigner des foules, des itinéraires classiques. Je pense qu’une des raisons pour lesquelles nous faisons de la montagne, c’est aussi pour nous retrouver “seul”. Découvrir la montagne avec 60 personnes devant et derrière soi, ça perd un peu de son charme (sans parler des traces à ski à la descente). Qui plus est, à quoi bon tous aller au même endroit alors que le terrain de jeu est vaste. En plus de ça, plus il y a de monde, plus généralement les possibilités pour s’adapter deviennent compliquées (allez faire demi-tour à l’Everest dans le Passage Hillary le jour où tout le monde décide d’y aller).
Vous allez me dire que quand même, même dans les itinéraires peu classiques, on ne croise pas nécessairement beaucoup de monde. Je vous l’accorde. Mais c’est là qu’entre en jeu ma volonté de créer des choses nouvelles.
Créer des itinéraires nouveaux à ski, c’est ça que je kiffe. Passez du temps sur les cartes à scruter ce qu’il peut y avoir à faire, utiliser les outils modernes pour se projeter, créer la trace GPX pour vérifier que les dénivelés soient réalistes, recommencez…. Et enfin, allez dans le réacteur (sur le terrain) et s’adapter aux conditions qu’on rencontre. Toute la puissance du métier de guide monopolisée 🙂
Et là je vous vois venir : vous rêvez à ces itinéraires, entourés de bêtes sauvages avec la mer au fond, le tout dans un pays très lointain. J’avoue rêver encore parfois à ce genre d’aventures. Mais j’essaye de ne pas avoir le Mal des Rimayes* de l’Ecologie : vouloir prendre soin de l’environnement mais y renoncer quand nos désirs d’aventure deviennent trop forts (et/ou aussi parce que le voisin vient de le faire).
Avec l’aventure Pizalp en 2020 et notre traversée des Alpes, je peux vous dire qu’on a pris plein la vue d’aventures possibles pas trop loin de chez soi. Ça m’a clairement ouvert l’appétit, un appétit compatible avec mes aspirations écologiques (je ne dis pas que je vais sauver la planète mais en tout cas, quand je pars en raid à ski en limitant mon empreinte carbone, je me sens un peu plus léger dans mes virages, et dieu si c’est bien d’alléger les virages pour tourner).
Voilà donc des projets de raids à ski uniques, exceptionnels et inédits, présentant une faible empreinte carbone, ce qui sera ma griffe pour les prochaines années.
– La traversée des Alpes Françaises Avec Remontées mécaniques (ou TAFAR)
Un projet hors norme de 22 jours (découpable en 2 ans) pour traverser du Lac Léman à la Méditerranée.
– Expés pour couloirs majeurs avec dodo sous tente, dans le massif du Mont Blanc !
2, 3 voir 4 jours en rayonnant à ski autour d’un camp de base tente pour rayer les couloirs de 1000m qui rayent les faces.
– La traversée des Alpes Carniques, de Villach (Autriche) à Moos (Dolomites, Italie)
Une chaîne des Aravis version King Size sans personne, pour une traversée de 8 jours en totale autonomie, en suivant une pure ligne.
– Romsdal en Norvège pour skier face à la Mer, mais en y allant en train.
Une nouvelle façon de voyager vers le Grand Nord, dans une zone peu connue (bien que Kilian Jornet y habite) en skiant dans ce magnifique pays où j’ai vécu 6 mois.
– La traversée des très méconnus Zillertaller Alpen
Un massif oublié, difficile à parcourir, logistiquement compliqué à traverser. Vous aimez les défis ?
Si un de ces projets vous fait écho, n’hésitez pas à vous manifester.
Et si ce n’est pas cette année, cela peut s’envisager également en 2026.
*Mal des rimayes : Une voie de montagne débute souvent à la rimaye. Il n’est pas rare qu’un alpiniste, arrivé à la rimaye, se sente mal, submergé par l’angoisse d’entreprendre la voie.